Tome 1 - Extrait

Chapitre 3 - Un visage à la fenêtre

 

 

Le lundi matin était rarement le meilleur moment de la semaine pour Guillaume Beranger et la pluie abondante de ce matin n’arrangeait rien. Il y avait pourtant de l’ambiance dans le train. Ses amis Ludovic, Loïc et Maxime racontaient leur weekend mouvementé avec force détails, surtout Ludovic qui était parvenu en une seule soirée à se faire plaquer par sa fiancée, à prendre la cuite de sa vie puis à déclencher une bagarre générale en dansant et surtout en embrassant la compagne d’un joueur de rugby, plutôt colérique, en virée avec toute son équipe. A voir les cernes sous ses yeux et sa lèvre fendue, du plus bel effet avec son costume italien gris clair et ses cheveux gominés, il n’en était pas encore remis. Maxime et Loïc étaient morts de rire, à tel point que Maxime dut plusieurs fois enlever ses extravagantes lunettes à branches mauves pour s’essuyer les yeux.

 

Maxime Doriani, Ludovic Dibari et Guillaume Beranger travaillaient tous les trois dans l’informatique, carrière logique après avoir terminé ensemble leurs études dans cette branche cinq ans plus tôt. Depuis ce temps, ils effectuaient presque chaque jour le trajet vers Bruxelles avec Loïc Chevalier leur ami d’enfance, mécanicien dans une grande usine de la capitale et, aussi le playboy de la bande avec ses yeux bleu acier et son physique d’athlète. Ces longs trajets quotidiens ne les réjouissaient guère mais Bruxelles, comme toutes les capitales, offrait de nombreuses opportunités d’emplois. Assise à côté de Ludovic, Caroline Charlier, la jeune cousine de Maxime, s’était jointe au groupe depuis peu, lorsqu’elle avait commencé à travailler dans un magasin de vêtements. Elle écoutait distraitement la conversation de ses amis tout en lisant. Ses longs cheveux bruns lisses et sa fine silhouette s’accordaient bien à la douceur de cette discrète jeune personne qui amenait une touche de féminité dans leur groupe.

 

Ce matin-là, Guillaume participait peu à la conversation. Il s’échinait sur les graphiques affichés à l’écran de son ordinateur portable pour préparer la longue et fastidieuse réunion qui l’attendait dès 9 heures. Pour mériter la promotion qu’il sollicitait depuis des mois, on lui avait demandé de « faire ses preuves », c’est à dire d’exercer la fonction et les responsabilités qu’il visait sans en recevoir ni le titre ni le salaire pendant une période indéterminée. Il passait donc de plus en plus de temps en réunion ou à organiser et coordonner les activités de ses collègues dans le cadre d’un complexe projet informatique pour la banque BIGs « Best Investment Group solutions » qui l’employait. Il avait choisi l’informatique pour concevoir et réaliser des programmes, pas pour passer sa vie en réunion et gérer tous ces aspects administratifs, et il commençait à se demander si cette promotion était vraiment une bonne idée. Ce n’était pas la première fois qu’il s’interrogeait sur ses choix. Parfois il se surprenait à penser que sa vie n’était pas censée se dérouler ainsi, que cela changerait bientôt, un peu comme s’il attendait un évènement qui remettrait les choses en place. Il ne s’expliquait pas cette sensation et cela n’avait bien sûr aucun sens. Alors il continuait à gérer le quotidien, ce qui était déjà bien assez compliqué. D’autant plus que sa nouvelle fonction l’obligeait à des contacts plus fréquents avec son directeur qui avait autant d’affinité avec l’informatique qu’un poisson avec une pomme, et autant de sensibilité humaine qu’un serpent à sonnette.

 

Arrivés à la gare du Midi, Guillaume, Loïc et Maxime descendirent du train tandis que Ludovic et Caroline continuaient leur trajet jusqu’à la gare Centrale. La tête toujours dans ses graphiques, Guillaume emprunta le métro jusqu’à la station des Arts et termina à pied jusqu’au siège central de la BIGs. C’était un gros building moderne au hall d’entrée monumental, destiné sans doute à rassurer les clients. Guillaume était sûr que son architecture austère et écrasante était aussi destinée à rappeler aux employés combien ils étaient insignifiants face à cette institution. La première chose qui l’avait frappé lorsqu’il avait commencé à travailler ici quelques années plus tôt, était que les portes des ascenseurs s’ouvraient et se fermaient avant que l’ascenseur ne soit complètement immobilisé. Sans doute pour remettre le personnel plus rapidement au travail après chaque trajet. Le bureau de Guillaume se trouvait au 16ième étage. Comme presque partout dans la capitale, l’étage était aménagé en mode «paysagé », c’est à dire sans cloisons entre les espaces de travail individuels. Cela permettait des économies substantielles pour l’employeur au détriment, certes, d’une cacophonie permanente et d’un manque total de confidentialité pour les employés. « Que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir ! » avait expliqué le directeur à l’origine de cette initiative. Mais ses arguments ne persuadaient pas grand monde. Peut-être parce que son bureau individuel avait, lui, été conservé et même agrandi lors de cette opération.

 

A peine Guillaume était-il installé à son bureau, que son directeur Gauthier Maras, l’appela. En sa qualité de directeur du département, ce dernier bénéficiait d’un bureau individuel isolé par des parois en verre, semblable à un aquarium posé au milieu de l’étage, un peu comme si l’on voulait isoler le piranha du reste du banc de poissons. Gauthier Maras était plutôt grand et athlétique. Ses cheveux toujours impeccablement coiffés et gominés encadraient une insupportable paire de petites lunettes rondes, façon John Lennon, sensées lui donner un air « cool ». Hélas pour lui, ces lunettes étaient le seul et unique point commun avec l’artiste et personne n’était dupe de cette piètre mise en scène. A peine plus âgé que Guillaume, à trente-deux ans, il occupait déjà un poste important. Ambitieux et déterminé, bien campé dans son impeccable, et très coûteux, costume trois pièces, il comptait bien ne pas en rester là. Tout en lui contrastait avec le style décontracté de Guillaume qui venait travailler en jeans et dont les cheveux bruns avaient une forte tendance naturelle à la rébellion. Il l’accueillit avec un grand sourire.

 

Hé Guillaume, comment ça va ? Entre, entre !

 

Cette façon décontractée de se saluer et de se tutoyer, comme si tout le monde faisait partie de la même bande de vieux copains, était à la mode ces derniers temps. Cela n’empêchait évidemment pas les cadres de l’entreprise de constituer de plus en plus une caste à part et de soumettre le reste du personnel à une pression croissante pour atteindre leurs objectifs personnels, et accessoirement ceux de l’entreprise. Cela dit, tant que l’on ne discutait pas de promotions ou des plannings impossibles à tenir, et que l’on ne mettait pas en danger leurs perspectives de carrière, cette façade de sympathie pouvait faire illusion. Dès qu’il eut franchi la porte, Guillaume sut que la suite ne lui plairait pas. Il ne fut pas déçu.

 

Hier, Donald du Champ m’a informé que la banque HBS allait annoncer le lancement de sa nouvelle gamme de produits financiers pour le mois d’octobre. Il n’est pas question que nos concurrents passent dans la presse avant nous. Je l’ai bien sûr assuré que nous serions prêts avant eux, annonça Gauthier avec un aplomb déconcertant.

 

Donald du Champ était le grand patron financier de la banque et sa parole avait autant de poids qu’un porte-avions nucléaire américain. Gauthier avait pris la désagréable habitude de jouer au golf avec lui le dimanche. C’était certainement bon pour sa carrière mais Guillaume se disait que ça n’était pas bon du tout pour sa santé à lui.

 

Pour octobre !!! Mais ça nous obligerait à être prêts un bon mois plus tôt que prévu. C’est impossible, on est déjà en retard sur le planning de développement et puis il y a encore tous les tests et … essaya de protester Guillaume.

 

Allons, allons, je sais que toi et ton équipe vous y arriverez comme d’habitude !

 

Cette fois, ça risque d’être trop serré … Ou alors, il nous faut du personnel supplémentaire.

 

Tu sais bien qu’avec la crise, on est limité. Il faudra faire avec les ressources dont on dispose aujourd’hui. (Dans le langage de Gauthier le mot « ressources » désignait les êtres humains qui travaillaient pour lui.)

 

Est-on au moins sûr que HBS sera prête pour octobre, que ce n’est pas juste un effet d’annonce ?

 

Peu importe, il faut que nous soyons les premiers dans la presse. C’est ce qui compte, répondit Gauthier.

 

Evidemment, si c’est ça qui compte …

 

Tu sais, avec le job que tu vises, c’est exactement ce genre de problèmes que tu dois apprendre à gérer.

 

Pas à dire, s’il n’y entendait absolument rien en informatique, Gauthier avait réellement un don pour presser ses collaborateurs comme des citrons et il savait aussi très bien où appuyer pour faire mal.

 

OK, je vais voir ce qu’on peut faire.

 

Excellent, excellent, je savais que l’on pouvait compter sur toi. Ah, au fait, pourrais-tu me préparer les nouveaux plannings pour mercredi ?

 

Mais bien sûr, voyons ! Et pourquoi pas pour demain tant qu’on y est! Guillaume parvint de justesse à sortir du bureau de son chef avant de lui dire le fond de sa pensée. Il passa les heures suivantes à revoir tous ses plannings, à essayer de rééquilibrer tous les plans de développements qu’il avait déjà élaborés jusque-là. C’était la troisième fois que la date de fin du projet était avancée ! Mais le meilleur moment de la journée fut incontestablement quand il annonça la bonne nouvelle à l’équipe. Il lui fallut cinq bonnes minutes pour ramener le calme après leur avoir donné la nouvelle date. Guillaume n’était pas très grand et avait un physique assez banal pourtant, aussi loin qu’il s’en souvienne, il avait toujours inspiré la confiance et la motivation autour de lui. Il est probable que sans ce charisme particulier et le respect que lui portaient unanimement ceux dont il avait maintenant la charge, ils l’auraient tout simplement envoyé sur les roses.

 

La fin de cette pénible journée arriva enfin et presque par surprise. Guillaume eut juste le temps de rassembler ses affaires en vitesse et d’éteindre son ordinateur portable, un peu brutalement (ce qui ne devait pas être très bon pour le disque dur) mais c’était ça ou rater le train. A peine fut-il dans l’ascenseur à essayer d’enfiler son blouson que son chef l’appela sur son téléphone mobile pour une dernière et urgente question au sujet du planning et lui rappeler qu’il comptait sur le rapport détaillé d’activité des différents membres de l’équipe avec une projection sur les douze prochains mois pour la réunion de demain matin. Guillaume se dit que pour un lundi on pouvait difficilement faire pire et qu’il ne manquerait plus qu’il pleuve. Il regretta amèrement cette pensée lorsqu’une pluie battante le cueillit à mi-chemin de l’accès au métro et qu’il se rendit compte qu’il avait oublié son parapluie au bureau dans la précipitation du départ. Le voyage en métro bondé jusqu’à la gare ferroviaire n’améliora pas beaucoup son humeur.

 

Enfin, il retrouva Loïc et Maxime sur le quai de la gare. Pour une fois, le train n’était pas en retard et ils rejoignirent Ludovic et Caroline montés à la gare précédente. Il était épuisé mais vu la quantité de travail qui l’attendait pour le lendemain, il ferait aussi bien de commencer tout de suite. Pendant que son ordinateur portable redémarrait, en faisant un bruit de foreuse peu rassurant, il parcourut le compartiment du regard. Ses trois amis avaient repris leur conversation à l’endroit même où ils l’avaient interrompue le matin. Caroline lisait, comme toujours. Un peu plus loin, un quatuor particulièrement énergique disputait une partie de cartes comme si sa survie en dépendait. Sur la banquette voisine, deux voyageurs regardaient un épisode piraté d’une série télévisée bien connue sur leur ordinateur portable, en se partageant le petit écran LCD et l’unique paire d’écouteurs, ce qui n’améliorait sûrement pas la qualité déjà douteuse du film. Au fond du wagon, un étudiant écoutait de la musique si fort que, malgré ses écouteurs, tous les autres passagers vibraient au rythme lancinant des basses. Et dans toute cette agitation, un gros monsieur dormait à poings fermés et dodelinait de la tête en cadence avec les mouvements du train, faisant pouffer de rire les deux jeunes filles assises juste en face de lui.

 

Après s’être débattu sans beaucoup de résultats avec des graphiques et des plannings pendant plus d’un quart d’heure, Guillaume poussa un long soupir et décida de s’accorder quelques instants de répit. Il laissa son esprit vagabonder. La vision du paysage était brouillée par la pluie battante qui se déclinait en une multitude de gouttelettes ruisselantes sur la vitre du wagon. Il avait du mal à distinguer quoi que ce soit à travers ces carreaux embrumés. Ses yeux se laissèrent emporter par la danse des gouttes d’eau. La force de la gravité et les mouvements du train dessinaient d’étonnantes figures sur la fenêtre, un peu comme les nuages emportés par le vent dessinent des dragons et des moutons dans le ciel. Des cercles, des spirales, toutes sortes d’arabesques apparaissaient et disparaissaient aussi vite. Et puis, soudain, les gouttes d’eau s’assemblèrent curieusement, comme si elles défiaient les lois de la physique et formèrent le visage d’une jeune femme. Elle le regarda droit dans les yeux et prononça quelques paroles parfaitement audibles :

 

Please – come – to Ullapool.

 

Guillaume ne pouvait ni bouger ni détourner les yeux. Brusquement, le regard de la jeune femme se fit encore plus intense. Guillaume eut l’impression qu’elle lui transperçait le cerveau. Alors son visage irréel s’illumina d’un sourire magnifique.

 

At last ! dit-elle.

 

Et elle disparut aussitôt. Guillaume retrouva enfin l’usage de son corps. Il fit un bond en arrière sur son siège en poussant un terrible cri de stupeur qui interrompit toutes les conversations. Tous les regards du compartiment se braquèrent sur lui. Même l’étudiant mélomane l’entendit à travers ses écouteurs et le gros monsieur qui dormait émergea de son sommeil et cela n’avait pas l’air de le mettre de bonne humeur.

 

Aaah, c’est pas vrai, mon costume ! Non mais t’es dingue de hurler comme ça ? Tu m’as fichu la trouille de ma vie ! dit Maxime tout en essuyant le jus d’orange qu’il venait de renverser sur le pantalon de son joli costume, parfaitement assorti à ses chaussures en cuir, du moins avant d’être imbibé de jus d’orange.

 

Vous, vous avez vu la … la fille ? bredouilla Guillaume.

 

Quoi, c’est pour une fille que tu fais tout ce cinéma ? demanda Loïc.

 

Et de quelle fille parles-tu ? demanda Ludovic ?

 

Mais la fille, là, à la fenêtre …

 

Tous regardèrent par la fenêtre. Même le gros monsieur écarquilla les yeux en collant son nez à la vitre. Mais personne ne vit rien.

 

Non, pas à l’extérieur, là sur la fenêtre.

 

Sur la fenêtre ???

 

Oui, son visage est apparu sur la fenêtre et elle m’a parlé.

 

Ah d’accord ! Tu t’es endormi et tu nous as fait un cauchemar, dit Loïc d’un ton moqueur. Hé, c’est la nuit qu’il faut dormir mon grand !

 

Mais je vous assure …

 

Mais oui, mais oui, allez rendors-toi. On te réveillera à l’arrivée.

 

Des sourires entendus et des chuchotements moqueurs commençaient à fuser çà et là dans le compartiment tandis que les autres voyageurs reprenaient leurs activités.

 

Pourtant, je l’ai vue et entendue …

 

Ce n’est pas grave Guillaume, lui glissa Caroline.

 

Et qu’est-ce qu’elle t’a dit, ta mystérieuse inconnue ? demanda Maxime.

 

Elle m’a parlé en anglais, je pense. Avec un accent très fort. Je crois qu’elle a dit « Please come to Ullapool».

 

Ullapool, ce n’est pas une marque de machine à laver ça ? demanda Maxime, parce que j’en aurais bien besoin pour mon pantalon.

 

Mais non, crétin, c’est Wirlpool ! rétorqua Loïc. En tout cas, Guillaume, je crois que tu as sérieusement besoin de vacances.

 

Guillaume était encore sous le choc mais il était sûr de ne pas avoir rêvé. Pourquoi personne d’autre n’avait rien vu ni rien entendu? Cela n’avait aucun sens ! D’après les réactions autour de lui, il se dit qu’il valait mieux ne pas insister. Il laissa glisser sans répondre les quelques plaisanteries très fines de ses amis mais il ne pouvait chasser ce visage de son  esprit.

 

Quarante-cinq minutes plus tard, le train arriva à destination dans leur petite ville de Mons, chef lieu de la province du Hainaut, sans autre évènement extraordinaire à signaler. Les quatre amis descendirent tandis que Caroline continuait jusqu’à la gare suivante. Comme Guillaume n’avait toujours pas l’air en forme, ses compagnons lui proposèrent d’aller boire un verre avant de rentrer. Du travail à terminer l’attendait encore et leur groupe réservait habituellement ce genre de sortie pour le weekend mais il devait bien admettre que cette petite mésaventure, après une pénible journée, l’avait secoué plus que de raison et il accepta l’invitation. Ils se retrouvèrent donc à l’Alambic, une taverne nichée sur une petite place très fréquentée, surtout le soir et la nuit, à proximité du centre-ville. Le patron, une sorte de géant roux et barbu qui les connaissait bien, les accueillit et leur indiqua leur table habituelle adossée au mur près de la fenêtre. Ils commandèrent une première tournée de Pancho Villa, une forte bière blonde artisanale, brassée dans la région et relevée d’une mesure, plus ou moins importante de liqueur de pêche. Pour cette occasion, Loïc avait passé la commande en demandant une « triple » mesure de liqueur pour Guillaume.

 

Il n’y avait pas grand monde à cette heure mais l’ambiance chaleureuse de ces murs familiers ainsi que les premières gorgées de Pancho Villa eurent un effet bénéfique sur le moral de Guillaume. Après la deuxième tournée, il était déjà beaucoup plus détendu. A la troisième tournée, il ne s’inquiétait plus du tout des changements de planning de la BIGs ni de l’étrange apparition du train. A la quatrième, il expliquait avec fougue ses idées révolutionnaires pour que soient enfin reconnus et récompensés les vrais travailleurs de la BIGs, au lieu de ces prétentieux cadres de direction, ponctuant son discours de vibrants « Vive Pancho Villa », repris en cœur par ses camarades, chaque fois qu’il levait son verre.

 

Lorsque, vers vingt heures, il regagna enfin le petit appartement qu’il occupait seul au centre-ville, il était parfaitement décontracté même s’il sentait confusément que le réveil, le lendemain matin, risquait d’être pénible. Il grignota un morceau et alla se coucher, ou plutôt s’effondrer dans son lit. Avant de sombrer dans un profond sommeil réparateur, les traits fins et délicats de cette jeune femme au regard envoûtant, si mystérieusement apparue sur la vitre du train, lui revinrent en mémoire. Il rangea soigneusement cette aventure dans la pile de ses souvenirs puis il s’endormit convaincu que tout cela n’avait été qu’un rêve.

 

Quand il se réveilla le lendemain matin, la première chose que Guillaume remarqua, à part un solide mal de crâne, était que le visage de cette femme occupait toujours son esprit, avec trop de détails pour n’être que le fruit de son imagination. Ce qu’il ignorait encore, c’est que, de par le monde, des centaines d’autres personnes avaient vu exactement le même visage en quelques jours. Le visage d’une femme adressant un appel pressant à l’humanité depuis une vallée reculée des Highlands d’Ecosse.